L’arrivée des nouvelles technologies de fracturation hydraulique a radicalement changé les répercussions économiques et environnementales de l’industrie pétrolière au cours des dernières années partout dans le monde, mais particulièrement en Amérique du Nord.
Qu’est-ce que la fracturation?
Les technologies de fracturation reposent sur l’injection à haute pression d’un mélange d’eau et de produits chimiques dans de nombreux puits forés afin de fracturer des formations géologiques et de permettre de libérer de plus grandes quantités de pétrole brut et de gaz naturel. Cette méthode permet d’assurer une production rentable de réserves de pétrole situées dans des formations rocheuses compactes, y compris le schiste, et qui étaient impossibles de forer auparavant. L’expansion draconienne de la fracturation dans certaines régions des États-Unis, notamment dans le Dakota du Nord, au Texas, et ailleurs, au cours des dix dernières années a eu des incidences énormes sur les marchés de l’énergie et l’environnement. Des entreprises avides de profits envisagent maintenant exploiter d’autres régions potentielles de fracturation pour connaître une expansion semblable, y compris dans plusieurs régions du Canada.
Préoccupations environnementales
Divers types de technologies de fracturation ont été utilisées dans l’industrie pétrolière depuis des dizaines d’années. Cependant, les nouvelles générations de cette technologie ont soulevé des préoccupations considérables sur le plan environnemental dont, entre autres :
- La pollution effrayante de sources d’eau, car les produits chimiques utilisés dans la fracturation et l’émission de gaz méthane s’infiltrent dans le sol et les sources d’eau souterraines.
- Les grandes émissions de gaz à effet de serre, y compris le gaspillage de gaz brûlé et le rejet de grandes quantités d’émissions de méthane qui contribuent 25 fois plus à élever les températures de la planète que le dioxyde de carbone.
- Les effets imprévisibles de l’injection à haute pression sur la stabilité des formations rocheuses et des surfaces du sol pouvant provoquer des tremblements de terre et d’autres dommages à plusieurs endroits.
- La destruction de la surface du sol par un forage intense, la construction de routes et d’infrastructures puisque les puits dans les champs pétrolifères fracturés doivent être beaucoup plus près les uns des autres que dans des champs conventionnels.
L’essor des pratiques de fracturation dans certains endroits comme au Dakota du Nord a entraîné une expansion rapide de la production pétrolière et gazière aux États-Unis. Toutefois, il s’avère de plus en plus évident que cette nouvelle production sera de courte durée, car les puits fracturés ont tendance à s’épuiser bien plus rapidement que les puits conventionnels.
Préoccupations relatives à la santé et à la sécurité
Des questions de sécurité liées à la fracturation sont également troublantes, notamment sur les conditions de santé et sécurité des travailleurs(euses) qui travaillent dans des conditions dangereuses semblables à l’époque de la ruée vers l’or. Des enquêteurs pensent maintenant que les propriétés explosives uniques du pétrole issu de la fracturation ont joué un rôle dans l’horrible tragédie du lac Mégantic au Québec l’été dernier, puisque le train transportait du pétrole brut issu de la fracturation provenant du Dakota du Nord, et dans le récent déraillement de train à Perth-Andover.
Conséquences économiques et profit à court terme
L’expansion de la fracturation a aussi eu des incidences économiques considérables et dommageables. L’augmentation soudaine de nouveaux approvisionnements sur le marché américain a entraîné une baisse des prix du gaz naturel à leurs plus bas niveaux historiques sur le continent. Les flux normaux de l’énergie ont aussi été déplacés. Par exemple, le Canada importe maintenant des États-Unis des quantités considérables de gaz issu de la fracturation, ce qui perturbe les flux traditionnels du gaz de l’Ouest canadien et porte atteinte à la situation financière de nos principaux systèmes de gazoducs est-ouest. Cette augmentation des approvisionnements en gaz et pétrole issu de la fracturation risque de ne pas durer longtemps; ce serait une folie pour le Canada, encore moins le Nouveau‑Brunswick, de réorienter toute son infrastructure énergétique autour d’une augmentation à court terme d’un approvisionnement énergétique indéniablement non viable.
Le Nouveau‑Brunswick pourrait se modeler sur le Québec et l’État du Maine, aux États‑Unis, en exploitant les domaines de l’énergie éolienne, de l’énergie solaire et d’autres formes d’énergie propre. C’est une question de volonté politique.
Droits des Premières Nations
Un autre aspect très troublant de l’industrie de la fracturation, au Canada et ailleurs, a trait à son impact sur les relations avec les collectivités des Premières Nations. Nos confrères et nos consœurs des Premières Nations ont des droits issus de traités qui doivent être respectés par les gouvernements fédéral et provincial. Les collectivités des Premières Nations doivent avoir le droit d’exercer librement leur choix d’explorer le développement des ressources. D’ailleurs, ce problème est particulièrement grave avec la fracturation compte tenu de l’étendue des terres qui seraient touchées par cette activité, et la vitesse avec laquelle l’industrie avide de profits est prête à procéder. Les militant(e)s des Premières Nations au Nouveau-Brunswick et ailleurs expriment avec insistance, détermination et passion qu’aucune exploration ou extraction de ressources ne peut avoir lieu sur leurs terres sans un consentement pleinement éclairé et un partage généreux des retombées économiques.
En outre, plusieurs Canadiens partagent ces préoccupations concernant les dommages potentiels sur les plans économique, social et environnemental d’une industrie de la fracturation non réglementée. Le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador ont tous deux imposé un moratoire sur les nouveaux projets de fracturation. De plus, d’autres provinces et régions analysent également les risques et les répercussions de la fracturation.
Pour toutes ces raisons, la FTTNB appuie l’imposition d’un moratoire à l’échelle du Nouveau‑Brunswick sur les activités non conventionnelles de fracturation. Ce moratoire ne devrait pas être levé avant que les risques sur la sécurité et l’environnement associés à la fracturation n’aient été analysés adéquatement, et avant que les collectivités des Premières Nations n’aient donné leur consentement pleinement éclairé aux activités de fracturation sur leurs terres traditionnelles. Nous exprimons notre solidarité envers les efforts non violents des collectivités des Premières Nations en vue de faire valoir leurs droits et de résister à toute nouvelle activité de fracturation sur leurs terres. Par ailleurs, plutôt que d’être guidés par des variations à court terme des prix et des bénéfices pour les producteurs privés du secteur de l’énergie, notre gouvernement provincial doit développer et mettre en œuvre, en collaboration avec d’autres parties intéressées, un plan visant une industrie de l’énergie stable et durable qui respecte nos engagements sociaux et environnementaux et génère une richesse durable pour tous ceux et celles qui vivent ici.